Les procédures pour faire un signalement ou une information préoccupante
Malheureusement, tous les enfants peuvent être victimes de violence. Je considère qu’il est donc fondamental de savoir que toute personne, à titre personnel ou professionnel, s’inquiétant pour une personne vulnérable peut signaler une situation aux services compétents.
Si vous êtes confrontés au dévoilement d’une situation par un enfant ou que vous percevez qu’un enfant est en danger, voici la procédure à suivre.
Je précise que cet article a été écrit en collaboration avec une éducatrice spécialisée qui exerce dans la protection de l’enfance. Merci à elle !
Pourquoi faire un signalement ou une information préoccupante ?
Il s’agit d’une démarche de protection de la personne. À titre personnel, sachez que le signalement peut s’effectuer de manière anonyme.
L’article 375 du Code Civil stipule qu’un signalement doit être effectué « si la santé, sécurité, moralité d’un mineur sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel ou social sont gravement compromises ».
Signaler la situation d’un mineur en danger est un devoir légal et moral qui fait appel à la responsabilité de tout un chacun. Ne pas signaler peut entrainer des sanctions pénales. L’article 434 du Code Pénal indique en effet que « toute personne ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés sur un mineur de moins de 15 ans s’expose à des sanctions pénales s’il n’informe pas les autorités judiciaires ou administratives. »
Comment signaler qu’un enfant est en danger ?
Il y a deux façons de signaler qu’un enfant est en danger ou risque de l’être.
• L’information préoccupante
En cas de doute, de présomption de danger ou de situation jugée préoccupante, on considère que l’enfant est en risque de danger.
Par exemple, si vous constatez qu’un enfant n’est pas bien pris en charge, qu’il manque de nourriture, de soins médicaux… Si vous travaillez dans une école, il peut s’agir d’un enfant très retard dans les apprentissages et/ou d’absentéisme scolaire important. Vous pouvez aussi observer un changement inquiétant de comportements, un enfant qui redoute le retour à son domicile, etc.
Il convient alors de rédiger une Information Préoccupante (IP). Un enfant peut également se mettre en danger lui-même sans l’intervention d’un tiers mais dans certaines situations, il convient tout de même de rédiger une IP.
⇨ L’information préoccupante doit être transmise aux autorités administratives compétentes, à savoir la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département de résidence de l’enfant. Ce service dépend de l’Aide Sociale à l’Enfance. Vous pouvez trouver les coordonnées de ce service sur le site du conseil départemental.
⇨ Il est également possible de contacter directement le 119 (numéro d’appel destiné à tout enfant ou adolescent en danger ou à toute personne préoccupée par la situation d’enfant en danger ou en risque de l’être, appel gratuit et confidentiel, 24h/24 et 7j/7, n’apparait pas sur les relevés de téléphone)
• Le signalement
En cas de danger grave et/ou avéré, il convient d’effectuer un signalement.
Par exemple, si l’enfant ou un tiers vous a fait des révélations de violences (psychologiques, physiques et/ou sexuelles), si vous observez des traces de coups, etc.
⇨ Le signalement alors être transmis au Procureur de la République (tribunal judiciaire de la région).
⇨ Il est également possible de contacter directement des services d’urgence (police 17, pompiers 18) ou le 119.
Les violences sexuelles et les violences physiques sont des crimes, et non des délits. De ce fait, pour toute suspicion de danger ou pour tout danger avéré de cet ordre, il s’agira d’un signalement et non d’une information préoccupante.
En cas de doute entre information préoccupante ou signalement, ou en cas de besoin de conseils de rédaction ou autre, le service de l’Aide Sociale à l’enfance ou la CRIP de votre département, ou encore le numéro d’urgence 119, peuvent vous conseiller.
Conseils de rédaction d’une information préoccupante ou d’un signalement
La rédaction du document doit rester aussi neutre et objective que possible. Certains renseignements doivent y figurer afin que les services saisis puissent évaluer la situation dénoncée et mettre en œuvre les mesures nécessaires. Il faut :
❖ Mentionner clairement l’identité de l’enfant, ainsi que celle de ses responsables légaux (adresse précise, numéros de téléphone…) ;
❖ Rester factuel en décrivant les signaux de repérage identifiés et la parole de l’enfant (faire apparaître ses propres mots entre guillemets, et sans les modifier). Ne pas émettre d’analyse ou d’interprétation ;
❖ Utiliser le style direct pour les faits constatés (« j’ai constaté que …»), le style indirect pour les éléments confiés (« Monsieur X m’a rapporté tel jour, telle heure, que… » ) et le conditionnel pour les éléments non vérifiés (« le père aurait quitté le domicile… ») ;
❖ Décrire précisément le contexte des faits relatés, si possible de manière chronologique. Dire également si les faits sont répétitifs ou non ;
❖ Indiquer les éléments portés à votre connaissance pouvant être mis en lien avec la situation de danger (présence d’une fratrie, suivi actif par les services sociaux…) ;
❖ Indiquer si la famille a été informée du signalement et comment cela s’est passé ;
❖ Préciser si le danger est imminent au domicile (l’enfant est-il toujours en contact avec le présumé agresseur ?) ou en dehors afin qu’une intervention en urgence soit envisagée.
Les parents doivent être informés par la personne ou le service qui émet l’information préoccupante ou le signalement, sauf intérêt contraire de l’enfant (notamment dans le cas des violences sexuelles ou lorsqu’un des parents est désigné comme l’auteur des faits) ou risque de porter préjudice à l’éventuelle enquête pénale qui suivra.
Que se passera-t-il ensuite ?
L’Information Préoccupante est transmise aux autorités administratives, à savoir la CRIP du département de résidence de l’enfant. Une équipe composée généralement de travailleurs sociaux et psychologues va par la suite réaliser une enquête sociale afin d’évaluer le degré de danger de la situation de l’enfant et la capacité protectrice des parents. L’évaluation peut conclure à :
– un classement sans suite : si la situation évaluée ne constitue pas un danger pour la sécurité ou le bon développement du mineur (fait isolé, capacité protectrice des parents, solution intra-familiale…)
– une mesure de protection administrative, en accord avec la famille : accompagnement social, aides financières, action éducative à domicile, accueil provisoire, etc.
– une saisine de l’autorité judiciaire : en cas de danger trop grave, de refus de coopération de la famille ou encore de dégradation de la situation malgré la mise en place de mesures administratives.
Le signalement est transmis au Parquet des Mineurs et donc au Procureur de la République. Une enquête sociale sera réalisée au même titre que pour l’IP. Toutefois, le Procureur pourra, en plus :
– Engager une procédure pénale liée à la constatation et la sanction d’une infraction (enquête de gendarmerie).
– Engager une procédure civile (saisine du Juge pour Enfants).
— Ordonner une OPP (ordonnance de placement provisoire) en urgence si la situation le nécessite. L’enfant est alors protégé en étant confié provisoirement à un tiers digne de confiance, une famille d’accueil, ou un foyer.
En cas de saisie du Juge des Enfants, après audience des détenteurs de l’autorité parentale et débats contradictoires, peut être ordonné un non-lieu, une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, ou un placement de l’enfant si nécessité.
Pour rappel, 160 000 enfants sont victimes de violence chaque année en France. Ne fermez pas les yeux !
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