Les raisons pour lesquelles il faut parler d’éducation sexuelle avec les enfants
Je me souviens encore de Mme Servano, ma prof de SVT, qui du haut de son estrade pointait avec sa baguette le scrotum, la trompe utérine et l’urètre sur des posters d’organes génitaux taille XXL. Entre gênance et somnolence, nous étions loin d’être absorbés par son élocution !
Voilà ce qu’on appelait l’éducation sexuelle. Or, l’éducation affective et sexuelle est bien plus que ça ! Elle ne se résume pas à la connaissance de l’anatomie ou de la procréation, ni même à la contraception et à la prévention des IST. L’éducation à la santé sexuelle, c’est aussi parler du corps, des relations, du consentement, de l’intimité, du respect de soi et des autres, etc.
En quoi est-il important de parler de toutes ces notions dès le plus jeune âge ? À quoi sert l’éducation affective et sexuelle ?
Une meilleure connaissance de soi
Parler de santé sexuelle, c’est permettre aux enfants de découvrir le fonctionnement du corps, apprendre à se connaître et plus globalement à mettre des mots sur ce qu’on vit et ce qu’on ressent.
Je ne parle pas forcément de masturbation, car avec des enfants on va surtout aborder des notions comme l’intimité, l’hygiène, nommer toutes les parties du corps, ce que c’est de prendre soin de soi…
Chez les tous petits, ça peut par exemple passer par des explications au moment de l’acquisition de la continence. Concrètement, on explique par où sort le pipi et le caca… C’est très important et rassurant de savoir comment fonctionne son corps.
On peut aussi offrir l’opportunité aux enfants d’avoir de la gratitude pour leurs corps, de l’aimer tel qu’il est. Cette façon d’envisager les choses booste considérablement la confiance et l’estime de soi. Un enfant qui a confiance en lui peut affirmer ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Il osera s’exprimer et dire s’il rencontre un problème.
Et puis, apprendre aux enfants à se connaître et à s’aimer, c’est un beau cadeau, vous ne trouvez pas ?
Apporter des connaissances fiables
Les enfants sont exposés à tout un tas d’informations, plus ou moins justes, sur la sexualité : dans la cour de récré, à travers les différents médias, les émissions de télé, le porno, etc. C’est une réalité ! En tant que parent, on ne peut pas éviter complètement ça, à moins de vivre dans une grotte.
J’entends déjà certains d’entre vous s’insurger : “du porno, mon enfant ? Impossible !” Et bien, désolée de vous l’apprendre, mais selon l’ARCOM, plus de la moitié des garçons de 12 ans (et environ 30% des filles) vont sur des sites pornographiques chaque mois… oui, oui, chaque mois !
Le problème, c’est qu’un enfant exposé n’est pas un enfant informé !
Certains enfants semblent en savoir beaucoup trop sur le sujet, ils ont bien souvent de fausses certitudes, voire un semblant de connaissances qui peuvent se révéler dangereuses (comportements violents, exposition à des Maladies Sexuellement Transmissibles, grossesse non désirée…). Seule la transmission d’informations fiables peut éviter tout cela. Par conséquent, rien ne remplace les espaces d’échanges et de dialogue.
J’aimerais préciser que, contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, l’éducation à la vie affective et sexuelle ne pousse pas à une sexualité précoce. Au contraire, les études qui ont été faites sur le sujet affirment que les programmes d’éducation à la sexualité retardent l’âge du premier rapport sexuel.
Favoriser l’égalité
Quand on fait de l’éducation à la vie affective, on parle aussi du fait que les filles et les garçons sont différents, mais égaux et qu’ils doivent être considérés de la même manière. C’est une façon de promouvoir le respect de la mixité, de favoriser l’inclusivité et déconstruire les stéréotypes de genre, mais pas que !
Quand on fait la promotion de l’égalité auprès des enfants, on va aussi parler de toutes formes de différences et de discriminations (origine, handicap, particularité physique…) pour affirmer que nous avons tous les mêmes droits.
Comprendre qu’il existe des lois
Justement, parlons-en de nos droits ! Faire de l’éducation à la vie affective et sexuelle, c’est dire aux enfants qu’il existe des lois qui protègent les mineurs.
On pourra notamment évoquer le Code civil français où figure que “chacun a droit au respect de son corps.” On précisera aussi que le corps de l’enfant est protégé par la loi, qu’il est formellement interdit de recevoir des caresses, des baisers ou des gestes sexuels de la part d’un adulte ou d’un adolescent. Pourquoi ? Parce que ces gestes peuvent blesser aussi bien le corps que le cœur.
J’ajouterais que dans le cadre de la prévention contre les violences sexuelles, il est toujours important de dire aux enfants qu’un enfant victime ne sera jamais puni par la loi.
Un enfant qui sait qu’il a des droits et que certains comportements sont interdits est beaucoup moins vulnérable qu’un enfant avec qui on a jamais abordé ces sujets sans tabou.
Accompagner les comportements de l’enfant
Certains comportements ne peuvent pas être tolérés dans un lieu public (se promener nu, se masturber, etc.). Il faut donc accompagner les comportements des petits pour qu’ils puissent comprendre ce qui peut être fait ou pas en fonction du contexte.
Cette éducation, souvent faite de manière naturelle au quotidien, permet de poser des bases saines pour une vie en société. Je vous donne un exemple concret : si vous avez des invités chez vous et que votre enfant débarque nu comme un vers dans le salon, vous allez gentiment lui expliquer qu’il ne doit pas se montrer comme ça devant tout le monde, parce qu’il s’agit de son intimité.
Rassurer
Certains enfants ont accès à des images inadaptées pour leur âge, d’autres ont simplement les oreilles qui traînent et entendent des bribes de conversation d’adulte. Toutes ces choses peuvent générer de l’angoisse. Certains petits s’imaginent parfois des choses qui les terrorisent.
Informer, c’est donc rassurer et éviter aux enfants de développer des inquiétudes.
Bien sûr, on comprend ici l’importance d’employer les bons mots, de s’adapter, de s’ajuster à l’âge de l’enfant pour répondre à ses questions. Inutile d’aborder des sujets qu’il n’est pas en capacité de comprendre.
Intégrer la notion de consentement
Pour construire une vie relationnelle saine, il est nécessaire que les enfants intègrent la notion de consentement dès le plus jeune âge.
Faire de l’éducation affective et sexuelle, c’est préparer progressivement les enfants à faire des choix affectifs, relationnels et plus tard sexuels responsables et respectueux.
Les petits peuvent tout à fait apprendre à fixer leurs limites, à se respecter eux-mêmes, à dire non. Ils peuvent aussi comprendre qu’il faut respecter les autres et ne jamais forcer qui que ce soit à faire un bisou, un câlin ou à être simplement touché.
Protéger
Éduquer, c’est protéger. L’éducation à la santé sexuelle et la prévention face aux violences sexuelles font partie de notre responsabilité éducative.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’angoisser l’enfant, de le dégoûter des relations sexuelles, de lui faire croire que tous les hommes sont dangereux, violents et que les pédocriminels sont partout. Il ne faut surtout pas lui faire perdre confiance en la vie !
Cependant, il faut dire aux enfants ce qui est autorisé et ce qui est interdit, il faut expliquer que l’intimité de chacun doit être respectée, que certaines parties du corps n’ont pas le droit d’être touchées et qu’en cas de problème, il faut tout de suite parler avec un adulte de confiance. Cette prévention est aussi indispensable pour réduire les cas d’incestes, notamment au sein des fratries.
Pour info, les abus, les agressions et les violences sexuels sont bien plus fréquents qu’on le pense. On estime qu’en Europe, 1 enfant sur 5 est victime de violence sexuelle… Il y a donc urgence à protéger nos enfants.
Aussi, il est primordial que les filles et les garçons soient capables d’identifier des lieux ressources et des interlocuteurs de confiance vers qui ils pourront se tourner en cas d’interrogation, de problème ou d’agression.
Et vous, voyez-vous d’autres intérêts à faire de l’éducation affective et sexuelle bien avant l’adolescence ? Votre avis m’intéresse !
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